Le Temple Shaolin de Songshan

Ce que tout le monde sait du Temple Shaolin de Songshan :
[source : Wikipédia]

Les temples Shaolin sont un ensemble de monastères bouddhistes chinois célèbres pour leur association du bouddhisme Chan avec les arts martiaux, le Shaolin quan. Le nom « Shaolin » signifie « jeune (ou nouvelle) forêt ».

Le temple Shaolin originel est situé sur le mont Song (Songshan en chinois), une des cinq montagnes sacrées de Chine, dans la province de Henan à environ 600 km au sud de Pékin. Fondé vers 497 sous la dynastie Wei du nord, c'est l'un des plus anciens temples bouddhistes de Chine.

La personne la plus connue associée à Shaolin est sans doute Bodhidharma , un moine indien qui voyageait en Chine au Ve siècle pour prêcher le bouddhisme Chan. D'après la tradition, on lui aurait d'abord refusé l'accès au temple Shaolin, et il n'aurait été admis qu'après avoir passé neuf années à méditer face à un mur. Ce serait ensuite sous sa direction que le temple aurait développé la base de ce qui sera ensuite appelé le bouddhisme Chan.

En découvrant l'état physique lamentable des moines qui passaient leur vie à étudier et méditer, il aurait décidé de leur apprendre des techniques respiratoires et 72 techniques de défense, base du kung fu, afin de parfaire leur condition physique pour supporter les longues heures de méditation et se défendre contre les brigands et les animaux de la forêt.

La réputation militaire du temple date du début de la dynastie Tang (618 - 907). D'après des documents, des moines combattants shaolin auraient sauvé la vie du futur empereur Taizong ( Li Shimin) et l'auraient assisté dans sa lutte contre les forces rebelles. Une fois devenu empereur, ce dernier montra sa reconnaissance en agrandissant le complexe monastique et en autorisant certains moines à poursuivre leur formation militaire. Le kung fu shaolin atteint son apogée sous la dynastie Ming (1368 - 1644), quand plusieurs centaines de moines shaolin reçurent un statut militaire et dirigèrent des campagnes contre des rebelles et des bandits japonais. À cette époque, ils avaient développé leur propre style d'arts martiaux, le Shaolin quan.

Le temple originel fut pillé, détruit et reconstruit plusieurs fois. Les Mandchous le détruisirent en 1647 et massacrèrent presque tous les moines. Il ne sera pas rebâti avant 1800. Un incendie allumé en 1928 par le seigneur de la guerre Shi Yousan détruisit beaucoup de précieux manuscrits de la bibliothèque du temple.






Ce que les Marcheurs de Rêve disent du Temple Shaolin de Songshan :

Les Moines de ce Temple sont tous des Marcheurs de Rêve ou bien des amis.
Le refondateur de ce temple, Bodhidharma, était un Marcheur de grande expérience. Il transforma l'enseignement du Temple pour permettre aux moines de comprendre l'importance des Ley Lines et de leur protection.

Par ailleurs, Bodhidharma savait très bien que les Marcheurs étaient parfois confrontés à des rencontre déplaisantes, le plus souvent en dehors des Ley Lines, mais parfois dans un node... Il était donc nécessaire qu'ils apprissent des techniques de combat leur permettant de se défendre seuls.

De nos jours, c'est un centre de formation pour les Marcheurs souhaitant recevoir un entraînement physique et spirituel poussé, tant en ce qui concerne la maîtrise de leurs corps ou des arts martiaux que pour ce qui est de certaines compétences comme le voyage astral ou la perception extra sensorielle.

Venant de là.


Enfin, ils étaient arrivés au Temple Shaolin. Bien sûr, il y avait beaucoup de temples Shaolin, mais celui-ci, le Temple Shaolin de Songshan était le seul qui ait gardé ses liens depuis l’origine avec les Marcheurs de Rêve. C’était donc un endroit tout désigné pour trouver un professeur de talent pour Salsa.

Depuis le début de la matinée, ils avaient marché.
Bon, d’accord. Pas exactement le début de la matinée… Ils avaient perdu un long moment à se butiner l’un l’autre, jusqu’à ce que les voix des premiers pèlerins arrivant à la chapelle Shinto les rappellent à la raison.
Ils s’étaient rhabillés en vitesse, et en riant comme des collégiens, puis ils avaient cherché à repartir. Les Ley Lines n’étant pas très stables en Extrême Orient, le node par lequel ils étaient arrivés avait changé de place durant la nuit pour se stabiliser un peu plus loin, au-dessus d’une source que l’on disait habitée par une kami. Salsa et Nathan en avaient profité pour faire de rapides ablutions et manger un morceau. Puis, ils étaient repassés dans le Temps du Rêve et, sous la direction prudente de Nathan, avaient commencé leur voyage vers le temple Shaolin.

Leur périple avait été assez éprouvant. Au début, les Ley Lines étaient parcourues d’un vent froid amenant avec lui le désespoir et la mélancolie, un vent qui rendait la progression éprouvante autant sur le plan moral que sur le plan physique.
Au-dessus de la mer de Chine, la marche avait été nettement plus simple mais, arrivés en Chine, ils avaient dû arpenter un dédale de petites Ley Lines, interconnectées de manière instable, ce qui avait requis toute la concentration de Nathan pour ne pas les perdre.

Enfin, au bout de quatre heures de marche difficile, ils arrivèrent au node de Songshan, un des rares nodes à peu près stables de l’Extrême Orient.
Au sortir du node, ils se retrouvèrent dans un forêt de colonnes étranges, allant jusqu’à une dizaine de mètres de haut, qui avaient l’air d’assiettes empilées les unes sur les autres, ou bien d’une pièce montée vraiment trop haute.
Nathan expliqua à Salsa qu’il s’agissait là de colonnes construites sur les tombes des moines et qui servaient à honorer leur mémoire. Leur configuration en faisait un node assez stable, mais cependant pas assez puissant pour ouvrir une porte sur la Cité de Jade, un curieux Monde Oublié, tout à fait fascinant.





Alors qu’ils sortaient du cimetière et qu’ils se dirigeaient vers le temple, ils entendirent une voix joyeuse derrière eux, qui les interpellait en anglais.

Nathan ! Vieille fripouille capitaliste occidentale ! Qu’est-ce que tu viens faire au pays des dragons communistes ? Tu as enfin décidé de t’occuper un peu de ton corps et de ton âme ?

Nathan s’était retourné avec un grand sourire et avait donné une accolade pleine d’amitié virile et de fraternité bourrue à son ami.

Salsa, je te présente Willie Chang. C’est le meilleur connaisseur du Kung Fu au monde, et un préparateur physique hors pair… En plus, il sait même parler philosophie, mais méfie-toi s’il te propose de te parler philosophie le soir dans sa chambre autour d’une tasse de thé… C’est un redoutable séducteur…

Enchanté de vous connaître mademoiselle… Enfin, j’espère que c’est mademoiselle ! Ne me brisez pas le cœur en me disant que le vôtre est déjà pris ! Une telle beauté n’a pas le droit d’appartenir à un seul homme…

Et allez, c’est reparti ! Je croyais que les moines faisaient vœu de chasteté et de célibat, non ?

Ah, mon ami, les temps ont bien changé de puis le Moyen-âge. Mais sois rassuré, ta jeune amie est entre de bonnes mains, et tu peux repartir le cœur léger…

Willie passa son bras sous celui de Salsa et fit mine de l’emmener vers le temple en adressant un petit au revoir de la main à Nathan.

Pas si vite, vermine communiste, dit l’américain en passant son bras sous l’autre bras de sa jolie disciple, Miss Salsa Denfer m’a été confiée par le Directeur du centre de Ponapé pour être mon élève sur les sentiers de la sagesse et des Ley Lines. De plus, je te signale qu’elle est une espionne américaine au service de la CIA. Rien qu’en la regardant, tu risques le peloton d’exécution…

Et c’est ainsi que, bras dessus bras dessous, ils remontèrent tous les trois l’allée qui menait au temple, le deux hommes encadrant galamment la jeune femme, tandis qu’ils riaient de se retrouver ensemble.

11.

Salsa appréciait déjà beaucoup le dénommé Willie, d’un tempérament enjoué, il avait un humour à toute épreuve, et formait avec Nathan un étonnant duo qui venait se compléter avec la présence de la jeune femme riant à chacune des plaisanteries qu’ils s’échangeaient. Et après la perte qu’elle venait de subir, cela lui faisait le plus grand bien, sans parler des séances câlins avec Nathan auxquelles, elle prenait rapidement goût.

Karl Douglas: Kung fu fighting ^^

Parvenus au cœur d’une place dégagée, dont le sol n'était plus que de terre battue, au milieu des étranges constructions, Willie s’arrêta pour se tourner vers Nathan:

- Bon alors si j’ai bien compris voilà ta nouvelle élève? et tu aimerais que je lui donne quelques cours particuliers?
- on ne peut rien te cacher!
- hum.. dites, j’aurai peut-être mon mot à dire à ce sujet.

Les deux hommes se tournèrent vers elle, tout sourire.

- Je ne veux pas jouer les rabat joie, mais je ne suis pas une débutante en matière d’arts martiaux.
- ha bon? Mademoiselle est connaisseuse? et quelle est votre discipline favorite?
- euh, tu peux me tutoyer, je préfère, enfin si ça ne t’ennuie pas?
- Non pas de problème, mademoiselle Denfer.. alors dis-moi? C’est quoi ce que tu as l’habitude de pratiquer?
- Kung fu..
- hann.. bien!… tu connais quelques mouvements intéressants? Une petite démonstration peut-être?

Et sous les yeux brillants d’intérêt de Salsa, Willie se mit en position de combat. Elle sourit, en faisant quelques pas de côté, de sa démarche souple de félin.

- hmm une démonstration? Je ne sais si je dois. Après tout, Nathan t’a décrit comme un maître en la matière.. Mais, ça fait un moment que je n’ai plus ..exercé un peu de cette discipline, alors pourquoi pas?

Tout en parlant, Salsa avait retiré son pull, sous le regard amusé de Willie et intéressé de Nathan. Elle était à présent en tee-shirt et short. Elle retira ses baskets et noua ses cheveux en queue de cheval comme la veille avant de se mettre à son tour en position. Sa tenue n’était pas vraiment adaptée à un entraînement de Kung fu, mais sur le terrain, l’agent n’avait pas toujours de kimono sous la main pour se battre contre ses adversaires.

Après avoir salué le maître en arts martiaux, Salsa se mit à son tour en position, avec toujours le sourire au lèvres, mais son regard était concentré, très concentré.

Alors le combat débuta. Salsa n’attendit pas avant d’attaquer son adversaire, d’abord par de simples coups de poing qu’il para sans aucun soucis, s’écartant à peine pour éviter les poings serrés de la jeune femme. Il para ses coups pendant un moment, s’amusant visiblement de voir qu’elle s’énervait à ne pas atteindre sa cible. Pourtant les réflexes de Salsa étaient rapides, même très rapides, et les mouvements des deux adversaires devinrent très vite une cascade d’enchaînements de coups de poings, de pieds, parés par l’un et par l’autre, bloqués, évités, dans une harmonie telle et si rapidement qu’ils donnaient l’impression d’être organisés telle la chorégraphie d’un savant ballet.

- ha mademoiselle maîtrise bien! c’est bien, bonne élève.

Salsa ignorait s’il se moquait ou si ses paroles ne visaient qu’à la déconcentrer. Il prenait visiblement un malin plaisir à la laisser attaquer chaque fois en n’ayant aucun problème pour parer chacun de ses coups.

- Ok ok, l’attaque c’est bien, voyons à présent comment tu sais te défendre.

Il fit soudain une brusque pirouette et s’apprêtait à décocher un sacré coup de pied dans l’estomac de Salsa, sous le regard écarquillé de Nathan, mais Salsa tous les sens en éveil, bondit à son tour en arrière sur ses mains, avant de rétablir l’équilibre, dans un rapide flip arrière. Willie haussa un sourcil appréciateur, et enchaîna avec d’autres figures acrobatiques dans le but de renverser son adversaire mais Salsa n‘était pas en reste question souplesse, et le rejoint dans un ballet de plus en plus acrobatique. Puis profitant d’une erreur de celle-ci, il la déséquilibra d’un coup de pied dans les chevilles, et la renversa sur le sol, en profitant pour lui bloquer les poignets.

- Héhé, je t’ai eu!
- euh non mais dites.. Tu voudrais pas plutôt lui montrer comment casser des briques?

Willie tourna la tête vers Nathan:

- ah oui mais ça c’était juste un échauffement et.. Ouille!!!

Salsa en avait profité pour lui décocher un coup de genou dans le bas ventre, et se dégagea aussitôt de l’emprise du maître Kung fu. La jeune femme se redressa et se campa sur ses jambes, mains sur ses hanches, essoufflée par tous ces exercices qui lui avaient demandé toute sa concentration.

- haaa mais là c’est pas un coup à la loyale hein!

Nathan aida son ami à se relever alors que quelques instants plutôt il s’était inquiété pour Salsa.

- Quand je dois me battre contre des adversaires armés et dangereux, il n’y a pas de coup loyal qui tienne.
- mouahaha.. oui mais bon, je ne suis ni armé, ni dangereux, enfin je crois… qu’en penses-tu Nathan?

Salsa croisa fermement ses bras sous sa poitrine, dévisageant à son tour, son professeur attitré.

Nathan aida son ami à se relever. Le maître en Kung Fu avait le sourire un peu crispé. Nathan avait mal pour lui.

Ma foi, au moins comme ça au moins tu sauras qu’avec elle il vaut mieux éviter de laisser traîner tes mains… ou ton service de porcelaine…
Ceci dit…

Nathan se retourna vers Salsa avec un petit air de reproche, tempéré d’un sourire en coin.

… ce n’est pas très gentil d’utiliser des coups bas lors d’un échauffement. Il faut garder ça pour les vrais combats. Parce que Willie, lui… euh… je veux dire Maître Chang, était largement en dessous de son maximum.
Hein, Willie ?
Si tu nous montrais ce que tu sais faire ? Comme ça Salsa aura une idée du niveau à atteindre.

Le chinois eut un petit sourire. Il ferma les yeux pour se concentrer un instant… Puis partit en courant comme une flèche vers la porte qui menait à la cour intérieure… Là, il bondit sur le montant de droite, se repoussa dessus pour monter plus haut sur le montant de gauche, et ainsi de suite, de plus en plus haut, jusqu’au sommet de la porte, qu’il franchit d’un backflip par-dessus le 3ème étage.

Je crois qu’il veut qu’on le suive…

Nathan pris le bras de son élève, visiblement un peu étonnée par ce qu’elle venait de voir, et les entraîna à l’intérieur du Temple.
Au moment où ils allaient franchir la porte, un moine en tenue de Kung Fu fit mine un instant de leur barrer la route, mais il s’effaça devant eux lorsqu’il reconnut Nathan, qu’il salua en s’inclinant devant lui et en venant frapper de son poing droit l’intérieur de sa main gauche.
Lorsque Salsa passa devant lui, elle crut distinctement remarquer qu’il semblait tenir la ceinture de son pantalon d’une manière inquiète en regardant Nathan…

Arrivés au bord de la cour, ils firent halte : le spectacle était impressionnant. Il y avait là des dizaines de moines qui s’entraînaient, certains avec des armes, d’autres non, et tous essayaient de toucher ou mettre à terre Willie Chang… Mais celui-ci virevoltait, sautait, envoyait à terre les uns et les autres, cassait des armes, sans avoir l’air de se fatiguer, comme si ses cascades incessantes lui étaient naturelles…
Quant tous les moines furent à terre, Willie se dirigea vers un bloc de pierre de presque un mètre d’épaisseur et, sans presque prendre d’élan, il le frappa au milieu. Nathan eut presque l’impression de voir son poing parcouru d’éclairs bleus pendant une fraction de seconde, puis il y eut un choc sourd, et une fissure apparut tout le long du bloc de pierre, qui se brisa en deux.

Willie salua les moines, qui le saluèrent respectueusement, puis s’en revint vers ses invités.
Salsa applaudissait avec enthousiasme la prestation de Willie Chang.

Oh, il peut faire encore mieux… Tu pourrais décharger ton pistolet sur lui sans arriver à le toucher…
Je crois qu’il peut t’aider à développer tes capacités physiques mieux que je ne saurais le faire…
Pour moi, je me réserverai plutôt la partie « Ley Lines ». Oh… il pourrait le faire, mais le Vieux t’a confié à moi. Je ne voudrais pas le décevoir.
Et puis, Willie Chang pourrait essayer de profiter de la situation. Ce serait pas bien…

Nathan ponctua sa déclaration d’un clin d’œil complice à destination de son élève, tandis que Willie les rejoignait.

Bravo champion, je vois que tu rouilles pas trop… Toujours aussi impressionnant !
Mais, dis-moi, on mange à quelle heure déjà dans ce monastère ? On arrive du Fuji Yama, là, et on a comme une petite faim.

Ah ! Tu vois, Salsa, ce suppôt du capitalisme ne pense qu’à deux choses : manger et …

Oui bon, rappelle-moi où est la salle à manger ?

12.

Salsa apprécia la démonstration du maître en arts martiaux qui valait sans doute toutes les démonstrations réunies qu’elle avait pu voir jusque là, de plus l’homme était très sympathique, et bien bâti, ce qui ne gâchait rien. Mais la jeune femme sourit alors que Nathan faisait prévaloir ses droits de professeur, à défaut de pouvoir se prévaloir des faveurs de Salsa qui pourtant lui étaient toute acquises. Elle s’était abstenue, tout à l’heure, de lui tirer la langue quand il lui avait fait une remarque sur le coup qui avait mis à terre Willie, et se tut alors que dans sa tête, une petite voix malicieuse lui disait que ce professeur pouvait tout à fait l’aider à développer ses capacités physiques et qu’ils étaient déjà bien partis. De même qu’elle dissimula un sourire quand il lui dit qu’il se réservait la partie Ley Lines.. Alors elle eut envie de lui répliquer que les lignes de son corps lui étaient tout autant réservées. Mais l’heure n’était vraisemblablement pas au badinage..

- manger? ah oui bonne idée!

Salsa se leva d’un bond, ignorant l’allusion de Willie qu’elle avait toutefois parfaitement saisie. Cela ne l’étonnait nullement, un homme comme Nathan devait avoir une fille qui l’attendait à chaque.. Node? Cette pensée provoqua un rire qu’elle étouffa, s’attirant le regard interrogateur de Nathan.

- quoi j’ai dit quelque chose de drôle?
- hmm nan, tout va bien, monsieur le professeur.

Et alors qu’ils pénétraient dans un vaste bâtiment ancien, Salsa l’interrogea le plus innocemment du monde.

- mais dis-moi, suis-je ta seule élève, ou bien d’autres femmes disséminées un peu partout sur ce globe, attendent les hm précieux conseils du professeur Nathan?

Le sous entendu était trop évident pour qu’il puisse l’ignorer. Elle se doutait bien de la réponse, avec un tel physique, mais avait envie d’entendre ce qu’il allait lui dire à ce sujet. Après tout c’était la deuxième fois qu’elle rencontrait un de ses amis, et le deuxième à laisser entendre qu’elle n’était pas la première et sans doute pas la dernière femme à leur être présentée par le bellâtre.

Et tandis que Willie les guidait à une table dans une immense salle, Salsa elle attendait sa réponse.. Mais au fond quelque fut la réponse de Nathan, Salsa était de toute façon décidée à profiter de ses vacances, tout en apprenant un peu plus sur ces marcheurs de rêve, et puis aussi étrange qu’il pouvait paraître, cette idée de faire partie de cette mystérieuse confrérie, ne lui paraissait soudain plus aussi incongrue que cela.. Après avoir parcouru en quelques heures seulement une distance aussi incroyable, en marchant sur des sentiers de lumière, après avoir passé la nuit sur le Fuji Yama alors que la veille elle se trouvait à Ponapé, après avoir rencontré un grand maître en Art martiaux, cette idée de faire partie de la confrérie n’était finalement pas aussi absurde.

Seulement, les conséquences sur sa vie seraient sans doute importantes, et Salsa avant de se décider, attendait d’en découvrir plus..

La salle à manger du monastère était impressionnante de beauté sobre et sereine. Quelques peintures zen au mur appelaient à la méditation. Aucune plante, aucun ornement. Juste la solennité de la pierre, propice à la méditation.
La salle elle-même était meublée de très longues tables, avec des bancs de bois. Sur une estrade, à un bout de la pièce, une table recouverte d’une nappe avait été dressée pour les dirigeants du monastère.

Willie Chang s’absenta un moment pour aller voir auprès du frère cuisinier ce qu’il pouvait bien avoir comme restes.
Il ne restait plus dans cette salle claire obscure que Nathan et Salsa.
Et manifestement Salsa attendait une réponse à sa question…
Seulement, de la manière dont elle avait formulé ça, Nathan pouvait répondre sans trop de mensonges.
Profitant de ce qu’ils étaient seuls, il prit la main de la jeune femme, l’attira à lui, et l’embrassa doucement.

Non, Salsa, je n’ai aucune autre élève. Tu es ma seule et unique. Ma première aussi.
Je suis donc tout à toi.

La réponse du jeune homme n’eut pas l’air de déplaire à la jolie blonde, qui à son tour se pencha en avant pour lui offrir ses lèvres en un succulent baiser apéritif. Seulement, pour ce genre d’apéritif, Nathan aurait plutôt, en guise de repas, dévoré la jeune femme de baisers. Petits baisers choisis… Ici ou là…
D’ailleurs Nathan sentait les bras de son élève se poser autour de son cou, leurs corps glisser doucement l’un vers l’autre sur le banc. Il posa ses mains sur la taille souple de la jeune femme… puis les remonta doucement vers sa douce poitrine… et il

Ahem !!

Willie Chang arrivait avec un plateau repas et un large sourire.

Eh bien je vois qu’il était inutile que je te mette en garde, Salsa… Apparemment, c’est déjà trop tard pour toi…
Mais si tu te rends compte de ton erreur et que tu veux sauver ton âme, n’hésite pas à venir visiter un pauvre moine ascétique qui saura guider ton esprit vers la spiritualité la plus élevée…

Ben voyons ! Et je suppose que ton livre de prières, c’est le Kama Sutra ?

Willie Chang posa son plateau devant les américains et s’appuya d’une main sur l’épaule de son ami.
Il lui dit quelques mots en chinois et à voix basse :

A propos, je te signale que Li-Wen est devenue ceinture noire… Au cas où tu la rencontrerais dans le temple…

Puis, se redressant, il partit en les laissant à leurs agapes.

Bien, je vous laisse, je vois qu’il est inutile d’attendre de vous un peu d’élévation morale… L’occident est si matérialiste…
Et euh… souvenez-vous quand même que cette salle est un lieu de recueillement, hein ?
Soyez sages…

Promis !

Avec un petit air d’excuse vis-à-vis de Salsa, Nathan prit sa cuillère.

Bon… Eh bien puisque le seul plaisir que l’on nous accorde ici, c’est la nourriture… attaquons.

Le brouet était… zen. C'est-à-dire qu’on aurait pu chercher longtemps la réponse à la question de savoir ce qui entrait dans sa composition…
Mais, au moins, c’était reconstituant.

Après quelques instants, Nathan s’interrompit pour regarder Salsa. Il se demandait… Voyons, une femme si belle avait forcément un homme dans sa vie. Voire même plusieurs… Autant qu’il sache pourquoi quelqu’un se mettait soudain à lui taper dessus…

Et, dis-moi, Salsa… Parle-moi un peu de toi. De ta vie… Ton boulot… Les hommes de ta vie… Mari, amant, enfants…
Je sais déjà que tu es une femme superbe et tendre, mais il faut que j’en sache un peu plus sur qui tu es si je veux être un professeur digne de ce nom…

13.

Salsa n’était pas dupe de la réponse de son professeur si particulier, car s’il lui avait sans doute répondu en toute franchise concernant sa toute nouvelle promotion au statut de mentor, il avait habilement évité ainsi d’aborder un sujet plus privé. Mais sa réponse lui convenait et elle saurait s’en contenter pour l’instant. Seulement c’était sans compter sur les allusions sibyllines de Willie qui avait interrompu la fin de leur conversation qui n’en était plus vraiment une. Salsa pouvait donc faire toutes les suppositions possibles, mais en gros, chacun s’entendait à dire de Nathan qu’il était un séducteur invétéré et qu’elle n’était qu’une proie de plus dans ses filets.

Les avertissements lancés pourtant sur le ton de la plaisanterie plongèrent Salsa dans de silencieuses réflexions alors qu’elle avalait de manière machinale le brouet assez insipide. Nathan était un homme très sympathique, de nature enjouée et terriblement séduisant, et Salsa était assez grande pour décider de s’accorder un peu de bon temps en sa compagnie. Seulement il ne fallait juste pas dépasser certaines limites, de celles par exemple qui lui demanderaientt trop d’implication dans une relation qui n’aurait sans doute jamais de suite. Et c’est à ce moment que Nathan interrompit le fil de ses pensées pour lui poser à son tour, des questions d’ordres bien plus personnelles, seulement lui n’utilisa pas de métaphore et entra dans le vif du sujet. Salsa afficha un sourire amusé, reposa la cuillère dans l’assiette vide, et lui répondit sur le même ton nonchalant.

- Je ne suis pas mariée non, pas d’enfants, pas de petit ami, pas de chien , pas de chat. En fait ces trois semaines de congé que j’ai prises, sont les premières vacances que je m’accorde depuis bien longtemps.. la plupart du temps je suis en mission pour mon travail, à droite ou à gauche, par monts et par vaux! J’aime découvrir de nouveaux horizons et surtout j’adore mon boulot. Mais ça ne veut pas dire que je n‘ai pas de vie privée.. Des amants, certes, et comme j‘adore danser, je sors beaucoup avec des amis... j’ai hum..

Salsa posa ses deux mains entre elle et Nathan sur le banc et sourire malicieux, ajouta.

- en fait j’ai besoin de beaucoup d’activités, sports ou autres, de bouger…de hum…

Son visage tout près du sien, elle ne termina pas sa phrase et embrassa Nathan, laissant ce baiser savoureux s’éterniser, pour l’interrompre en se souvenant de la promesse faite à Willie.

- et euh… au fait? Quelle est la suite du programme, cher professeur?

Salsa s’était déjà levée, signifiant qu’elle était prête pour poursuivre, mais c’était surtout histoire de ne pas se laisser à nouveau tenter par les filets du professeur.

En écoutant son élève, Nathan avait eu bien du mal à cacher un petit sourire.
Avec un corps comme celui de Salsa, il n’avait aucune peine à croire qu’elle avait une flopée d’amants. Par ailleurs, il avait pu constater de visu (et même de tactu) que Salsa avait besoin de hum… bouger… et qu’elle semblait aussi douée pour les sports en chambre que pour le marathon. Sachant qu’elle possédait une capacité mystique extraordinaire qui renforçait son endurance, il l’imaginait très bien s’étirant comme une chatte sur un lit, avec une douzaine d’hommes éparpillés dans la pièce, complètement épuisés…
Pourtant, cette image, pour logique et drôle qu’elle soit, ne semblait pas coller à sa charmante élève, du moins au peu qu’il en connaissait. Certes, l’agent de la CIA était une vraie bombe, mais elle avait un côté tendre, câlin, qui ne collait pas avec un profil de dévoreuse d’hommes, ni même de veuve noire dévorant son partenaire après l’avoir épuisé.
Elle semblait simplement… pleine d’énergie, de vie, de joie de vivre… La manière dont elle avait fait l’amour avec lui, alors qu’elle venait de perdre quelqu’un auquel elle tenait énormément, montrait à Nathan qu’elle avait confiance en la vie et qu’elle désirait ardemment profiter de tout le bonheur possible.
Tout cela plaisait beaucoup au Marcheur. Ca correspondait bien à sa philosophie à lui. Finalement, le Vieux avait sans doute bien fait de lui confier la formation de la jolie tornade blonde. Savait-il que leur relation évoluerait aussi rapidement ? Sans doute… Le Vieux avait le nez pour ce genre de choses… Mais pourquoi avoir favorisé leur rencontre alors ?
Nathan n’en savait rien.
Mais ça ne l’empêchait pas d’en être ravi.

Ton entraînement ?
Eh bien, je pense que Willie Chang aura à cœur de t’entraîner aussi bien que possible. Mais en trois semaines… même avec tes capacités… je ne vois pas comment il pourra faire autre chose qu’une initiation. Ca lui a pris des années, à lui, pour devenir un moine Shaolin ! Et pourtant, il a des capacités au moins aussi grandes que les tiennes…

Nathan se leva, comptant sur les doigts les épreuves qui, selon lui, attendaient son élève.

Voyons… Marathon dans la jungle en sautant de branches en branches à 30 mètres du sol… traverser un ravin en marchant sur un tronc d’arbre, les yeux bandés… passage au milieu d’un secteur piégé – c’est son petit côté Viet Nâm - … Sinon, après, initiation aux techniques de combat : Kung Fu, Karaté… Je pense pas qu’il te mette au Tae Kwon Do… plutôt au Wushu…

Nathan se passa la main sur le menton, se demanda brutalement où Salsa pouvait bien mettre son arme de service sous ses vêtements ajustés…
Cela devait faire partie du mystère féminin…

Après, si tu es sage, il te mettra peut-être au Gun Fu. Tu sais… les types qui sautent en l’air, abattent neuf ennemis avec trois balles tout en faisant un saut périlleux pour éviter une rafale de mitraillette… ce genre de choses…

Eh bien, Nathan, tu révèles tous mes petits secrets ? C’est pas gentil de me casser mes effets…

Willie Chang était entré dans la salle, l’air toujours souriant. Mais avec le petit air de celui qui est en train de faire une bonne blague à un copain.
A côté de lui se tenait une jeune femme, qui regardait Nathan et Salsa avec l’air impénétrable que peuvent prendre les asiatiques quand ils le veulent.



Salsa, permettez-moi de vous présenter Li-Wen, une excellente professeure d’arts martiaux. Elle m’assistera dans les démonstrations. Je suis sûr que vous vous entendrez très bien… Vous avez des goûts communs…
Nathan, je ne te présente pas…

La jeune femme, habillée à la mode chinoise, semblait faire des efforts pour rester impassible sans toutefois pouvoir masquer complètement les éclairs que lançait son regard en direction de Nathan et Salsa.

Le regard de Nathan devint sombre et il commença a échanger quelques mots en chinois avec les deux pensionnaires du Temple Shaolin.

Ca, Willie, c’est idiot et bas…

Au contraire, je pense que ce sera stimulant…

Qu’est-ce que tu as, Nathan, tu as peur que je la casse, ta poupée Barbie ?

Li-Wen, si tu as quelque chose à me reprocher, tu n’as pas à te venger sur Salsa. Elle n’y est pour rien…

Pour te reprocher quelque chose, il faudrait encore que tu sois là pour parler, monsieur le voyageur…

Ecoute, je suis désolé d’être parti…

Que tu sois parti sans rien dire, passe encore, mais que tu reviennes accompagné, ça…

Nathan souffla un grand coup, comme quelqu’un qui veut garder son calme.
Il reprit, en anglais, cette fois.

Bon, ça suffit comme ça. On arrête les frais.

Il se retourna vers Salsa qui, même si elle ne comprenait pas le chinois, semblait assez fine pour avoir compris de quoi l’on parlait…

Ecoute Salsa, tu n’es pas obligée du tout d’accepter…

14.

Salsa ouvrit la bouche pour protester, cela faisait quand même un programme bien chargé pour des vacances et elle n’avait nul besoin d’apprendre toutes ces disciplines. De plus il avait vraiment l’air de penser qu’elle n’était qu’une débutante.. quoique elle était vraiment une débutante dans cette toute nouvelle matière que représentait la confrérie des marcheurs de rêve. Mais en quoi apprendre tous ces arts martiaux l’aideraient à mieux comprendre la confrérie? Elle avait quelque doutes à ce sujet. Et puis elle se souvint qu’il avait pris sa présence à ce rendez-vous comme l’acceptation de son appartenance à la confrérie, ce qui n’était pas vraiment le cas. Et puis elle n’eut pas l’occasion d’objecter quoique ce soit puisque ce fut le moment que choisit Willie pour refaire son apparition. Seulement il n’était plus seul, une superbe asiatique l’accompagnait.

- Salsa, permettez-moi de vous présenter Li-Wen, une excellente professeure d’arts martiaux. Elle m’assistera dans les démonstrations. Je suis sûr que vous vous entendrez très bien… Vous avez des goûts communs…
Nathan, je ne te présente pas…

Salsa dévisagea la dénommée Li-Wen dont elle fut aussitôt certaine que Willie se trompait au sujet de leur entente. De plus elle n‘avait pas manqué de saisir le sous entendu.. Quand à la conversation que Nathan, Willie et cette jeune femme échangèrent, Le fait de parler dans une lange qu’elle ne comprenait pas, alors qu’elle se trouvait à leurs côtés, le fait de faire soudain comme si elle n’existait plus, alors qu‘elle avait parfaitement saisi qu‘ils parlaient d‘elle, eut le don de la faire bouillir de colère. C’était un manque de politesse total, et elle n’allait pas manquer de le leur faire savoir.

- Bon, ça suffit comme ça. On arrête les frais… Ecoute Salsa, tu n’es pas obligée du tout d’accepter…

Elle plongea ses yeux sombres dans les siens..

- ça t’ennuierait beaucoup que j’accepte?

Elle n’avait pu retenir une pointe d’ironie dans ses paroles, mais il y avait des réactions chez elle qui étaient instinctives et elle se sentait obligée d’attaquer avant d’être attaquée elle-même. Et en ce moment, elle se sentait comme la cible mouvante au cœur d’un terrain de chasse. Après tout, elle ne connaissait Nathan que depuis un jour, et ses amis encore moins. Pourtant Willie lui avait inspiré confiance, cependant le plaisir qu’il semblait prendre à lui présenter cette nouvelle prof d’art martiaux, ne faisait pas pencher la balance en sa faveur. Elle les regarda tour à tour et secoua la tête.

- non désolée, je ne suis pas là pour servir de …cobaye de démonstration à tes amis Nathan. Je me suis bien amusée jusque là, mais je crains que tes amis prennent .. tout ça.. Elle fit un geste vague de la main.. Un peu trop au sérieux. Je suis là pour me faire plaisir et je n’ai pas envie d’avoir à prouver quoique ce soit… ça sera sans moi.

Salsa fit demi-tour pour se diriger vers la sortie quand mademoiselle Li-Wen jugea bon d’ajouter un commentaire.

- Et bien Nathan, je trouve que ton élève se défile bien vite.

Salsa se figea et se tourna lentement pour lancer un regard meurtrier à Li-Wen.

- Face à une maîtresse en art martiaux, la pauvre débutante que je suis préfère oui, se retirer, je n’ai nul besoin de leçon de supériorité afin de mieux vous faire valoir aux yeux des autres.. Mais à chacun ses talents, cachés ou non.. Par exemple, je ne commettrai pas jamais l’erreur de goût de porter un parfum aussi capiteux que Poison et oublier combien le parfum de la cuisine asiatique peut se montrer entêtante au point d’en imprégner les vêtements… parfums oui, mais pas n’importe quel mélange!

C’était peut-être mesquin, mais quitte à donner des leçons, Salsa ne voulait par être en reste. Elle se tourna ensuite vers Nathan:

- je vais faire un tour, ne te sens pas obligé de m’accompagner. Je saurai me débrouiller, je te laisse avec tes amis.

Et Salsa de sa démarche de reine, quitta la grande salle pour retrouver avec plaisir les rayons du soleil au dehors. Elle inspira profondément, puis décida de s’éloigner un peu, histoire de recouvrer son calme. Après avoir marché sur quelques mètres, elle avisa un promontoire rocheux qui dominait la vallée plus bas et s’installa sans façon sur les rochers avant de fermer les yeux et d’offrir son visage au dieu soleil.

* on se calme, ce n’est pas cette pimbêche qui va te gâcher cette belle journée.. *

Salsa soupira et se laisser aller à d’autres souvenirs plus agréables, comme à chaque fois qu’elle procédait à ce petit rituel que Colli lui avait appris.

Et voilà… Salsa était sortie de la pièce, fâchée.
Franchement, Nathan ne pouvait pas lui donner tort.

Mais qu’est-ce qui ta pris Willie ?

Et quoi ? Si elle veut apprendre, autant qu’elle ait un prof qui ne lui fasse pas de cadeau. De toutes façons, Li-Wen est une excellente prof, elle ne lui aurait pas fait de mal.
Par contre, ça aurait été une excellente occasion pour elle de développer son pouvoir au lieu de se contenter de ce qu’elle sait déjà faire.
C’est pour ça que tu m’as amenée ton élève, non ?

Elle n’est pas encore mon élève. Elle ne sait pas si elle va rejoindre les Marcheurs ou non. Je voulais juste lui présenter la confrérie sous un jour sympathique. Merci de m’avoir aidé.

Oui, ça je me doute bien de ce tu as fait pour qu’elle te voie sous un jour sympathique… Franchement, pourquoi tu nous amènes ici une poupée barbante qui ne s’occupe que de son parfum ?

Nathan soupira. Li-Wen pouvait être sacrément agaçante parfois…

Ce n’est pas une bimbo. C’est un agent de la CIA. Elle a fait largement autant de missions dangereuses que toi. Il n’y a aucune raison de la mépriser. A moins que tu ne lui fasses payer à elle des choses que tu as à dire à moi ?

Ah non, ça, je te laisse faire… Elle aura bientôt l’occasion de voir comment tu traites les gens qui te font confiance. Et quel courage tu as pour partir au lieu de t’expliquer…

Li-Wen, la confiance, c’est respecter l’autre comme il est. Pas projeter sur lui ses envies et estimer normal qu’il se coule dans le moule qu’on veut lui attribuer.
Ta vie, c’est ici. C’est ce monastère. C’est les Arts martiaux. Moi pas.
On en a déjà discuté. Je ne voyais pas, et je ne vois toujours pas l’intérêt de faire une scène pour redire les mêmes choses. Surtout une scène publique.
Salsa ne t’a rien fait. Tu n’as aucune raison d’être odieuse avec elle.

Eh bien, il fallait y penser avant de l’amener ici, monsieur Je Sais Tout. Toi, tu réagis peut-être toujours de manière froide et logique, mais pas les autres. Il va bien falloir un jour que tu apprennes à tenir compte de leurs sentiments !

Le regard de Nathan se fit plus noir.

Chaque fois que quelqu’un m’a parlé de sentiments, c’était pour essayer de m’enfermer dans les siens. Je ne t’ai rien promis. J’ai toujours été clair avec toi.
Ce n’est pas de ma faute si tu n’as pas voulu entendre ce que je te disais.

C’est tellement facile… Toi, tu n’as pas voulu voir ce qui se passait en moi… Tu voyais que j’étais amoureuse, mais tu n’as rien fait pour m’en empêcher ! Tu as profité de la situation !

Autour de Nathan, l’air commençait à vibrer. Malgré son sourire inamovible, ses yeux semblaient devenir des puits d’obscurité.

Ah. Parce que c’était à moi de penser pour deux ? C’était à moi de deviner ? A moi de tout prendre en charge ?
C’est peut-être un peu facile aussi de se laisser aller à ses sentiments sans se poser de questions et de se dire que l’autre va tout régler, non ?

Bon, eh bien je vais peut-être vous laisser à vos émouvantes retrouvailles, moi…

Sûrement pas, Willie. Tu as entendu monsieur le séducteur : il a toujours raison et les autres ont toujours tort. Il n’y a rien de plus à dire.

Dans un effort pour consumer la colère qui bouillait en elle, Li-Wen sortit de la salle en bondissant de table en table, puis en rebondissant entre les murs du couloir.
La porte de la salle à manger claqua violemment, et le bruit résonna jusqu’au bout du temple, à travers les voûtes de pierre ancienne.
Willie regarda son ami, l’air ennuyé.

Désolé, je pensais juste faire une blague.

Ah ah…
Très drôle.
Je crois que Li-Wen n’avait pas envie de blaguer. Et Salsa non plus.

Bah… De toutes façons, vous aviez besoin de vous expliquer, non ?

Tu appelles ça une explication, toi ? Qu’est-ce que ça a résolu ?

Tu sais, Nathan, des fois les gens ont besoin de parler pour ne rien dire.

L’américain haussa les épaules.

Eh bien pas moi.
Bon, tu m’excuses, il faut que j’aille retrouver Salsa.

D’accord, dis-lui…

Non, je ne lui dirai rien du tout.
En fait, j’ai plutôt une question à lui poser.

Nathan sortit d’un pas vif, en suivant le chemin qu’avait pris Salsa quelques minutes plus tôt.
Arrivé dehors, il chercha du regard la jeune femme.
Elle s’était arrêtée sous un pin parasol, sans doute pour regarder le paysage.
Le Marcheur s’assit au pied de l’arbre, s’y adossa, et commença à se relaxer, en attendant que son élève ait fini sa méditation.
Au bout d’un moment, Salsa tourna la tête vers lui.

Désolé pour tout à l’heure… Willie est un chic type, mais il a tendance à faire des plaisanteries d’un goût douteux.

Ceci dit, maintenant que tu en sais plus sur les Ley Lines et les Marcheurs, il est temps que je te pose la question fatidique : Est-ce que tu veux nous rejoindre ?

Nathan laissa le silence s’installer. Un silence plein de réflexion.
Il avait tout le temps d’attendre la réponse de la jeune femme. L’après-midi était douce, et le cadre idéal pour une discussion sérieuse et approfondie.
Il y a des décisions importantes qui engagent une vie et que l’on ne peut prendre à la légère.

15.

Salsa l’avait entendu approcher, mais n’avait rien dit, le laissant choisir la manière de l’aborder. Elle était bien là sur ces rochers, à prendre le soleil tel un lézard, laissant cette énergie la ressourcer jusqu’à retrouver son calme et la paix qui régnait dans cet endroit l‘y aida beaucoup. Nathan ne dit rien un instant et finit par rompre le silence en excusant l’attitude de Willie, pourtant celle qui avait été le plus à blâmer dans ce qui s’était passé plus tôt, c’était cette Li Wen. Le fait que Nathan en imputait la faute à Willie la surprit.

- Ceci dit, maintenant que tu en sais plus sur les Ley Lines et les Marcheurs, il est temps que je te pose la question fatidique : Est-ce que tu veux nous rejoindre?

Voilà une question qui déstabilisa complètement la jeune femme si calme un instant plus tôt. Il avait un don certain pour changer de sujet! Elle le regarda, ne pouvant cacher la surprise que sa question provoquait. Elle qui s’était imaginé devoir donner une réponse à la fin de ces trois semaines, voilà qu’il voulait qu’elle se décidât dès à présent.

- si je veux … mais! Je crois que c’est un peu tôt pour me demander ça! Tout ce que j’ai appris depuis la veille, c’est que vous n’êtes pas aussi cinglés qu’on pourrait le croire au premier abord. Que vous avez parmi vous des hum membres maîtres en art martiaux, que vous utilisez des raccourcis de lumière pour vous déplacer et…. qu’un certain Nathan Davis semble posséder une belle réputation de séducteur et que certaines de ses ex ont du mal à digérer qu’il se tape sa toute nouvelle élève et… oh désolée! Je suis un peu directe mais.. J’avoue que je n’apprécie pas du tout d’être prise pour une simple poupée barbie.

Elle s’interrompit en soupirant.

- mais au final, je ne sais pas grand-chose de qui vous êtes, quel est le rôle de la confrérie, quel serait mon rôle si j’acceptais d’y entrer, et quelles en seraient les répercussions sur ma vie, sur mon emploi! Car il faut savoir que si je suis devenue un agent de la CIA, j’ai du me battre pour obtenir la place que j’ai aujourd’hui, afin d’être reconnue à égale valeur des autres. J’ai choisi ce métier parce que je voulais aider mon pays à lutter contre les criminels et participer ainsi à ma façon à faire régner un peu de justice même si ça se passe en dehors des Etats unis...
- Sache que si je devais m’engager chez vous, je le ferai en toute connaissance de cause, et que je ne puis donc te donner de réponse pour l’instant alors que j’ignore encore toutes ces choses.

La réponse de son élève ne surprit pas Nathan outre mesure. Elle était logique.
La discussion serait longue… Ca tombait bien : il avait tout son temps.
L’Américain s’allongea sur le douillet tapis d’aiguilles, délogea une pomme de pin inconfortable et mis les mains sous sa tête. Le visage à l’ombre et le corps au soleil, il était divinement bien.

Je comprends parfaitement ta position…
Encore que dire que « Nathan Davis se tape son élève » pour décrire notre relation me semble inapproprié. Enfin… de la manière dont moi je vois les choses.
Quant à Li-Wen, elle a toujours eu un peu trop tendance à essayer de faire changer le monde plutôt que de s’adapter à lui. Et elle déteste quand le monde ne veut pas lui obéir… ça la rend folle de rage… et elle se met à agir ou parler de manière totalement exagérée. Willie le sait très bien d’ailleurs…

En ce qui concerne ton éventuelle entrée dans les Marcheurs…

Nathan tourna légèrement la tête, pour avoir Salsa dans son champ de vision.

D’abord, il faut que tu saches que cela n’est pas une obligation de devenir un Marcheur. On peut parfaitement rester un Ami, un correspondant des Marcheurs, tout en gardant sa vie normale. Je conçois parfaitement que tu tiennes à la vie que tu t’es construite.

Je comprends aussi parfaitement que ce ne soit pas vraiment facile de faire un choix entre quelque chose que tu connais bien, et quelque chose dont tu ne sais pratiquement rien.

Pourtant, il faut que, toi aussi, tu comprennes que nous ne pouvons pas dévoiler tous nos secrets, ni entreprendre une formation, pour quelqu’un qui ne veut pas s’engager et qui risque de nous dire, après tous ces efforts, qu’elle ne souhaite pas suivre notre voie.
Le fait que tu sois un agent de la CIA rend la chose encore plus délicate : en tant qu’espionne et employée d’un gouvernement dont le Président appartient à une société secrète qui a juré notre perte, il est gênant de trop t’en apprendre si tu dois repartir ensuite.

Après tout, vous, à la CIA, vous ne faites pas faire le tour de vos installations à tout le monde… vous ne prodiguez pas un entraînement à tout un chacun.
Vous demandez, au préalable, à la personne de s’engager dans la CIA. Et ce n’est qu’après que vous lui dites tout.
Pour nous, c’est un peu pareil… Et même, nous devons être encore plus prudents puisque nous n’avons pas la possibilité d’arrêter et d’emprisonner ceux qui décident de révéler nos secrets.

Nathan continuait ses explications tout en jouant machinalement du doigt avec les aiguilles de pin.

Evidemment, les Marcheurs, ça n’est pas une prison non plus. Tout le monde n’est pas obligé de rester dans l’organisation. Certains repartent faire autre chose, et puis reviennent plus tard.
Mais il y quand même quelque chose qui reste constant : ils restent des Marcheurs. Même ceux qui trahissent la confrérie restent à jamais marqués par cette expérience, par leur histoire.
Je pense que c’est un peu comme pour les agents fédéraux : même s’ils démissionnent, ils restent toujours fidèles à leur pays, pour la plupart.

Nathan se recoucha sur le dos et laissa son regard se perdre dans les hautes branches du pin.

Voilà, tu peux me poser toutes les questions que tu veux et je répondrai à toutes celles que je pourrai.
Ensuite, il faudra que tu me dises ce que tu penses faire, même si tu n’en es pas encore tout à fait sûre. En fonction de ce que tu me diras, j’essaierai d’organiser notre programme pour la suite.
D’ailleurs, si tu as besoin de quelques jours pour y réfléchir et que tu souhaites qu’on aille ailleurs, ça ne pose pas de problème. Mais, fondamentalement, ailleurs n’est pas différent d’ici.
Tu sais… Il n’y quand même pas tant de choses que ça à savoir. Les Marcheurs utilisent les Ley Lines, les protègent… mais nous ne savons pas à quoi elles servent, pourquoi elles sont là… Nous ignorons beaucoup plus que nous ne savons…

16.

Au fur et à mesure des explications de Nathan, Salsa fronça les sourcils, se crispa à chaque mot un peu plus, et à la fin, ses yeux brillaient de cet éclat de colère qui lui était si particulier. Ce n’était pas possible, il ne devait pas réaliser la portée de ses paroles.. Comment pouvait-il seulement lui parler de trahison alors qu’elle servait son pays depuis le départ avec une loyauté sans égal, un sens de la justice sans pareil. Ou alors c’est qu’il la sous-estimait de terrible façon…

- Je crois que tu oublies un détail dans tout ce que tu viens de me dire. Je ne suis pas venue vous trouver, parce que je l’avais décidé, mais parce que c’était la dernière volonté de mon grand-père, juste avant de décéder. Il voulait que j’aille voir la confrérie et je l’ai fait. A présent si tu trouves qu’il faut me traiter avec méfiance, tu devrais aussi te méfier de moi quand l’envie te reprendra de me faire l’amour. On ne sait jamais, je pourrai te soutirer de précieuses informations pour les livrer ensuite à l’état.

Salsa incapable de rester assise après ces dernières paroles, se redressa et secoua rageusement les aiguilles de sapin restées accrochées à ses vêtements. Il venait de la blesser, en la considérant seulement comme une espionne alors qu’elle avait juste voulu savoir dans quoi elle s’engageait, logique oui… Mais était-ce logique d’être considérée comme une espionne alors que son chef lui-même l’avait confié à Nathan, en sachant très bien qu’elle était agent de la C.I.A, chose qu’elle n’avait jamais cachée.

- Je ne t’ai pas demandé de dévoiler tous vos fichus secrets! Je voulais juste savoir dans quoi je m’engageais et que serait ma vie si…. et puis ce n‘est pas juste ce que tu dis! J‘en savais beaucoup plus sur la C.I.A avant de m‘engager chez elle que ce que j‘ai appris depuis un jour, ici!…. Bref, je crois que nous nous sommes mal compris.. Soit, je ne t’en demanderai pas plus, je ne voudrais pas que tu croies que je vous trahirai à la moindre occasion. Et pour la réponse, c’est non… Je ne souhaite pas faire partie de cette confrérie si à chaque question que je pose, on me jettera en travers de la figure, le fait que je fasse partie de la C.I.A.. J’ai bossé dur pour en arriver là, ce n’est pas pour qu’on me le reproche ensuite. Je suis fière de ce que je fais, de mon travail, et je ne permettrai jamais à quiconque de remettre en question mon intégrité.

- mais si tu as des doutes, tu peux toujours demander aux vôtres de vous renseignez sur moi. Mon dossier doit être en quelque part dans vos tiroirs.. Après tout quand j’ai compris que Lhu en savait déjà beaucoup sur moi, je ne l’ai pas accusé de m’avoir espionné. Mais peut-être que lui me fait un peu plus confiance?

Salsa le défiait du regard à présent, alors qu’il s’était lui-même redressé, ne s’attendant sans doute pas à cette réaction.

Nathan s’était redressé pour chasser une mouche agaçante qui lui bourdonnait dans les oreilles. Il se rallongea dans l’ombre fraîche, les yeux mi-clos.

Ta loyauté n’est pas mise en doute une seule seconde...
C’est bien ça le problème…

Tu as juré fidélité aux Etats-Unis d’Amérique. Et je suis sûr que tu es quelqu’un de parole et digne de confiance, sinon le Vieux ne t’aurait pas contactée.
C’est tout à ton honneur.
Seulement aujourd’hui, on te propose d’entrer dans une confrérie qui n’est pas forcément toujours d’accord avec les USA. A dire vrai, nous sommes même en guerre contre les agents spéciaux envoyés par Washington dans certains secteurs... J’ai failli me faire tuer à Bagdad il y a quelques mois.
Il y aura donc forcément un jour où il faudra que tu choisisses entre tes diverses loyautés.

J’ai donc besoin de savoir si tu envisages éventuellement de changer d’allégeance ou pas. Si tu me dis d’entrée « Jamais ! Je resterai toujours fidèle à mon pays ! », je comprendrai parfaitement. Mais cela aura forcément des répercussions sur ce que je pourrai te montrer en temps de guerre, je pense que tu le comprends sans peine.
Ceci dit, il n’y a rien de définitif. Après les élections, les troupes américaines changeront peut-être d’objectif sur Bagdad…

Nathan sentit quelque chose se tortiller sur son bras. Il chassa la chenille d’une pichenette et reprit son laïus.

En admettant que tu soies tentée, je veux dire, que tu aies envie de rentrer dans la Confrérie, que ce soit comme Amie, ou comme Marcheur, je n’ai que trois semaines devant moi. Je n’ai donc pas le temps matériel de tout te montrer, et encore moins de commencer un entraînement pour t’aider à développer tes capacités. Je peux à peine faire de l’initiation…
Donc, oui, j’ai besoin de savoir si ça te tente de devenir Marcheur. De savoir les questions que tu te poses… Il vaut mieux que tu me les poses aujourd’hui : j’y répondrai du mieux que je pourrai. Et ça orientera le programme que je te proposerai les jours à venir.

Donc, pour toutes ces raisons, j’ai besoin de savoir si tu es tentée par le fait de rejoindre la Confrérie. Si tu n’as pas encore d’idée bien claire sur ce point, poses-moi toutes les questions que tu veux. Je ferai de mon mieux pour y répondre, aujourd’hui ou dans les prochains jours.

Le Marcheur se releva un peu, s’appuyant sur les coudes.

Il y a une dernière chose : pour accéder à un Monde Oublié, je veux dire, pour y accéder tranquillement, il faut forcément faire partie de la Confrérie. Je ne pourrai donc t’y emmener que lorsque tu auras décidé de nous rejoindre.
Mais c’est encore trop tôt pour ça.

Pour aujourd’hui, j’ai juste besoin de savoir si tu es intéressée et, si oui, quelles sont les questions auxquelles tu souhaites que je réponde.

Nathan se rallongea, sous l’ombre délicieuse.

Dernière précision, mais importante : si tu n’as plus confiance en moi, tu peux parfaitement choisir un autre Mentor.

17.

Salsa ouvrit de grands yeux, stupéfaite par la réponse de Nathan. De une il disait qu’il devait se méfier d’elle, et de deux, il lui disait que si elle n’avait plus confiance, elle n’avait qu’à choisir un autre mentor, sans tenir compte une seule seconde qu’elle lui avait déjà rendu réponse. Mais de toute évidence, il avait préféré faire la sourde oreille.

- mais! C’est toi qui ne me fais pas confiance! Tu me fais bien comprendre que tu ne peux pas me révéler les secrets de la confrérie alors que je n’ai jamais demandé rien de tel, alors que moi je suis juste envoyée par mon grand père, et que je pensais rendre hommage à sa mémoire. En venant ici, je pensais seulement rencontrer des amis de mon grand père et en apprendre un peu plus sur lui!! ET toi tu me balances que vu que je suis un espion de la CIA, je risque de vendre les infos que tu me donnes à mon patron!… ET après ça, tu dis que je ne te fais pas confiance?? Alors que je t’ai suivi jusqu’ici sans avoir émis la moindre objection? pratiquement les yeux fermés??

Salsa leva les bras d’impuissance en voyant le flegme de Nathan.. Il n’était plus qu’un professeur servant sa leçon à une jeune femme qu’il n’estimait pas mieux finalement que Li Wen.. Mais qu’est-ce qu’elle était venue faire là?

- Je crois que.. que.. je n’aurai pas du venir finalement. Mon grand-père espérait sans doute que j’entre dans votre confrérie. Mais de toute évidence, vu mon travail à la cia, je ne suis pas apte à faire partie des vôtres.. ET j’ignore si j’aurai le courage de reprendre une formation à zéro.. après le stage que j’ai subi à la ferme, un entraînement militaire et toutes ces missions à l’étranger, repartir à la case départ, c’est beaucoup me demander..

Elle n’ajouta pas que de plus la manière dont il lui avait présenté ça, n’allait pas lui donner envie.. Elle se sentit ridicule soudain, ayant attaché trop d’importances à des choses qui pour cet homme n’avait pas le même sens..

- bien.. je te laisse profiter des derniers rayons de soleil.. inutile de t’inquiéter pour moi, je saurai me débrouiller pour rentrer.

Nathan soupira…

Je n’ai jamais dit que tu vendrais des informations à ton patron. Tout ce qu’il y a à savoir, ton patron le sait déjà.
J’ai parlé de conflit de loyauté dans des actions futures.
Et ça n’a aucun lien avec un rapport humain à quelqu’un : il s’agit de ta vie, de ce que tu as envie de faire.

Le Marcheur tourna la tête : elle était déjà partie.
Bon.
Il fallait s’y attendre…
Il faisait un Mentor exécrable.
Elle n’avait rien écouté de ce qu’il avait dit. Elle avait pris pour une critique ce qui n’était qu’une question…
Nathan ne voyait pas quoi faire pour être plus clair dans ses explications : il avait besoin de savoir si les Marcheurs l’intéressaient ou pas. C’était tout.

Evidemment, en ce qui concernait son métier et sa carrière, il pouvait la comprendre. Elle avait un métier passionnant, une carrière prenante… Elle avait fait des efforts considérables pour en arriver là… C’était normal qu’elle n’ait pas envie de tout perdre pour quelque chose d’aussi nébuleux que les Marcheurs. Repasser par tous ces entraînements. Redevenir une élève… Et pour avoir quoi de plus ?
Nathan était heureux au sein de la confrérie : la Liberté, les voyages, un but à sa vie… Tout cela, Salsa l’avait déjà. Qu’est-ce qu’il pouvait bien lui dire pour l’intéresser ? D’ailleurs, avait-il le droit de la manipuler ? Certainement pas…
C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’avait pas joué la carte sentimentale, qu’il était resté si froid en apparence en lui présentant la chose. Il ne se sentait pas le droit de manipuler ses sentiments pour quelque chose d’aussi important pour elle… Bien sûr, elle avait la tête sur les épaules et elle n’aurait certainement pas été dupe, mais quand même. Nathan aurait trouvé ignoble d’essayer de l’influencer ainsi. Si elle devait prendre une décision, il fallait que ce soit en pleine connaissance de cause et non pas sous l’influence d’une belle gueule qui passait par là. C’était sa décision, et il ne voulait pas l’influencer.

A bien y réfléchir, qu’est-ce que les Marcheurs pouvaient lui offrir ? Elle était venue là pour honorer la mémoire de son grand-père, bien. C’était une fille bien. Mais après ? Entre vouloir savoir ce que son grand-père faisait et lâcher toute sa vie pour retourner garder un vieux temple… il y avait comme une grosse différence…
D’ailleurs, pourquoi son grand-père ne lui avait-il pas appris tout ça ? Il savait bien que, s’il la laissait filer dans un autre métier, surtout aussi prenant que la CIA, jamais elle ne voudrait reprendre son poste de gardien. Alors quoi ? Il avait laissé faire ? Ou alors, plutôt, le grand-père n’avait-il sans doute pas voulu s’opposer au bonheur de sa petite fille. Mais dans ce cas-là, pourquoi Nathan le ferait-il lui ? Et puis d’abord, pourquoi le Vieux l’avait-il bombardé Mentor sans même demander à Salsa si elle voulait bien rentrer dans la Confrérie ? Comme si c’était une évidence…

Alors quoi maintenant ? Devait-il lui courir après pour la rattraper ? Pour au moins l’accompagner sur le chemin du retour ?
Mais, là aussi, c’était sa décision à elle. Pas question pour lui de l’influencer.

Sous son arbre, Nathan s’était endormi.

18.

La dernière fois qu’elle se retourna ce fut pour le voir dans exactement la même position qu’elle l’avait laissé. Il n’avait pas bougé d’un pouce.. Salsa se tourna de nouveau face au temple vers lequel elle se dirigeait d’un pas ferme. Elle croisa le regard venimeux de Li Wen qu’elle ne salua pas, à quoi bon! Au lieu de quoi elle entra dans le monastère en quête de Willie qu’elle finit par trouver en conversation avec un autre moine.

- Salsa? Tout va bien?
- pas vraiment non, je suis désolée de t’avoir fait perdre ton temps et celui de Nathan..

Elle ne lui laissa pas le temps de digérer la nouvelle et enchaîna.
- dis-moi..
- oui?
- y’a-t-il un moyen de regagner la vallée rapidement?
- quoi là tout de suite? Hé bien il y a les Ley Lines, il te suffit de demander à Nathan et…euh.. non apparemment, tu ne veux pas.
- non, je préfère rentrer par mes propres moyens, enfin s’il y a un véhicule qui passe dans le coin?
- c’est-à-dire que non.. la région n’est pas vraiment très fréquentée tu sais.
- ne me dis pas que de temps en temps tu ne descends pas en ville? je sais pas.. profiter un peu d’autre chose que des quatre murs de cet endroit. Je veux bien que tu maîtrises les arts martiaux, mais j’ai de gros doutes quand à croire que tu mènes une vie de moine.
- mais c’est que j’ai juste ma moto et..
- ça sera parfait.
- hein? ah non non mais j’ai pas dit que..
- s’il te plaît, j’en prendrai grand soin!
- c’est que..
- alors accompagne moi au moins!
- ça ne peut pas attendre?.. hm non .. je vois.. Bon laisse moi un moment, je vais prévenir les autres qu’ils ne m’attendent pas ce soir…le temps que l’on atteigne la ville, ..
- merci Willie..
- ma foi, pas de quoi..

Il la dévisagea avant de tourner le dos. Salsa pouvait facilement s’imaginer ce qu’il devait penser, mais tant pis, ils pouvaient bien tous penser ce qu’ils voulaient, après tout, Alois l’avait prévenue, et Willie aussi.. Voilà une aventure qui avait été très brève..laissant à la jeune femme un goût amer..

- bon c’est réglé.. on peut y aller..

Salsa le suivit à l’extérieur vers l’arrière d’une bâtisse et enfila en silence le casque qu’il lui tendait. Et tandis que la moto vrombissait doucement, roulant sur un chemin de terre tout juste carrossable pour un deux roues, elle aperçu Li Wen qui les regardait s’éloigner. Et bien en voilà au moins une qui serait contente d’avoir le champs libre. Salsa s’accrocha à Willie et se concentra sur la route devant eux, préférant oublier pour un temps, cette journée, et tout le reste…

( à suivre, à la fondation micronesienne)

Quand il se réveilla, Nathan sentit le poids d’un regard sur lui. Le soir était tombé, apportant un froid vif, comme souvent en montagne, même au cœur de l’été. Devant lui, ses cheveux défaits flottant dans le vent, se tenait Li-Wen.

Elle est partie ?

Nathan se releva doucement et commença à secouer les aiguilles de pin sur sa chemise.

J’allais te poser la question…

Li-Wen fit une petite grimace.

Elle a demandé à Willie de l’accompagner en ville. Je parie qu’elle va en profiter pour le séduire. Il n’attend que ça…

Nathan eut un petit rire doux. Li-Wen était souvent assez enfantine dans ses relations avec les autres. Elle avait grandi dans une province reculée, enfant unique surprotégée, puis était venue au Temple, se couler dans le moule difficile et exigeant des moines Shaolin. Sans beaucoup de repères affectifs, elle avait tendance à réagir de manière immature. Ce n’était qu’au moment fatidique que Nathan avait su qu’il avait été son premier amour. Ca n’arrangeait pas les choses…
Pas découragée par l’attitude de l’américain, la petite chinoise continua.

Alors, ça fait quoi de se faire plaquer, hein, Nathan ? Tu ne t’es jamais demandé ce que je pouvais endurer ?

Comme d’habitude, Nathan constatait que les gens pensaient être seuls dans la douleur, que personne d’autre ne souffrait ni n’avait jamais souffert. Nathan avait perdu toute sa famille. Et la seule personne qui l’ait jamais vraiment aimé. Alors, oui, il savait ce que c’était que de perdre un être cher. Mais comment expliquer cela à cette jeune femme déçue.

Mais non, comme d’habitude, tu t’en fous. Tu te fous de tout le monde. Pour toi, les femmes sont bonnes à prendre et à jeter… Mais comment j’ai pu tomber amoureuse d’un salaud pareil ? Tu devrais avoir honte de toi !

Nathan s’étira sans répondre. Il s’était bien reposé. Il avait un peu faim. Il ne voyait pas quoi répondre à Li-Wen sans être méchant avec elle, et il n’avait aucune envie de lui faire de la peine.

Et tu n’as même pas eu le courage de me parler avant de partir… Tu n’es qu’un lâche Nathan Davis ! Un lâche et un égoïste ! Tu finiras tout seul !

La jeune fille oubliait son entraînement et sa maîtrise de soi pour laisser parler son cœur, laisser déborder cette colère qu’elle avait en elle, incendier celui qui l’avait tant déçue.
Willie avait raison : parfois les gens ont besoin de parler pour ne rien dire. Juste… pour parler. Alors Nathan la laissait parler, la laissait crier. Si ça pouvait lui faire du bien d’insulter son ancien amant, alors, pourquoi pas… Nathan n’avait jamais voulu que du bien à cette jeune fille.

Bon sang, mais tu vas me répondre ? Tu t’en fous de ce que je te dis ? Tu me méprises, c’est ça ?

Li-Wen était maintenant à deux pas de Nathan, presque en pose de combat, à deux doigts de le frapper.

Mais tu vas répondre, oui ? On s’aimait ! Tu t’en fous de ça ?

Il allait bien falloir répondre. Nathan soupira.

Tu ne m’aimes pas, Li-Wen.
Tu aimes celui que tu aurais voulu que je sois. Pas celui que je suis.
Tu ne m’as jamais demandé ce que moi je voulais, tu m’as seulement reproché de ne pas faire ce que toi tu voulais qu’on fasse.
Je ne t’en veux pas. Tout le monde fait ça.
Le Vieux ne m’a pas demandé si ça me plaisait de prendre une élève. Ni si je m’en sentais capable. Toi tu ne m’as pas demandé si je me sentais capable de vivre l’Amour que tu voulais vivre.

Nathan s’approcha et déposa un baiser sur le front de la jeune fille.

Je ne suis pas celui que tu attends. Je suis désolé.
Il faut que tu cherches d’autres hommes, d’autres bras… et que tu apprennes à aimer les gens pour ce qu’ils sont, pas pour ce qu’ils devraient être.
Les hommes ne se divisent pas en prince charmants et en salauds. Il y a simplement ceux qui pourront te donner ce que tu désires, et ceux qui ne le pourront pas.
Je te souhaite de tout cœur de trouver quelqu’un qui pourra te rendre heureuse.

La jeune fille était restée interdite, surprise par le mouvement imprévu de l’américain.

Mais… Non… C’est trop facile… Pourquoi tu ne m’as pas dit… J’aurais pu…

Nathan avait remis les mains dans ses poches et faisait mine de partir.

Tu crois ? Vraiment ?

L’américain posa sa main sur l’épaule de Li-Wen, en signe d’adieu, et commença à s’éloigner.

Nathan… Mais… Et toi ?

L’américain sourit. Il était bien temps de s’en préoccuper…

Moi… Je repars.
Seul.
Tu as raison Li-Wen. Je finirai seul.
Je l’ai toujours été.

Sans un bruit, le Marcheur disparut dans la brume et la nuit.

Après la nuit, le gros temps…
Dans le temple Shaolin désert, Nathan avait récupéré son sac.
Willie Chang l’attendait à côté.

Tu pars Nathan ?

Oui. Salsa est bien partie ?

Oui, je l’ai mise dans l’avion. Et non, je ne l’ai pas draguée…

Je ne t’ai rien demandé.

Tu t’en fous, d’elle aussi ?

Non.

Alors pourquoi tu l’as laissée partir ?

Elle avait une décision importante à prendre. Je n’avais pas le droit de l’influencer en jouant de nos relations personnelles.

Ah.
Et Li-Wen ?

Je ne suis pas l’homme qu’elle attend…

Alors pourquoi tu es sorti avec elles ?

Je ne sais pas dire non…
Et puis je ne lis pas les pensées : je ne sais pas ce qu’elles projettent sur moi avant de me le dire.

Tu pourrais peut-être ne sortir qu’avec des femmes que tu aimes ?

Nathan posa sa main sur l’épaule de son ami.

Alors, même toi tu penses que c’est moi le salaud… le pervers qui ne pense qu’à culbuter des filles et à leur briser le cœur… l’égoïste de service ?

Non, mon ami. Je sais que tu n’es pas égoïste et que tu ne veux faire de mal à personne.
Je ne te comprends pas, c’est tout… Tu es plus intelligent que n’importe qui que je connaisse, donc tu vois très bien où ça te mène tout ça… Et tu continues quand même.

Tu ne peux pas comprendre Willie Chang… Mais ça n’empêche pas que tu es mon ami…

Mais tu n’as jamais été amoureux ?

Tout ça n’a aucune importance, Willie… Aucune…

Peut-être que, pour elles, ça en a une ?

Peut-être… Mais qu’est-ce que tu suggères ? Que je fasse vœu de chasteté et que je devienne moine ?

Nathan reprit son sac et, un demi sourire aux lèvres, il reprit la route vers le cimetière des moines.


La suite à la Fondation Micronésienne