En chemin

Bérénice jouait avec son stylo, le faisant tourner entre ses doigts. Elle était ailleurs, son regard laissant défiler les paysages sous ses yeux. Le TGV ne lui laissait pas le temps d'en admirer les détails. Mais toujours plus qu'en avion. Et puis avec les contraintes de sécurité maintenant, ça revenait presque au même. Mais au moins elle serait vite à Paris. Quoiqu'elle n'était pas particulièrement pressée d'arriver.

Au bout d'un moment elle laissa aller sa tête en arrière contre le dossier de son siège et ferma les yeux, contrariée. Elle n'avait pas beaucoup dormi ces derniers jours, toujours à la recherche d'une nouvelle porte. Ou alors d'un indice pour un autre monde. L'inventaire ne serait de toute façon jamais complet. Pourtant, elle pouvait dire qu'elle en connaissait pas mal au sujet des Ley Lines. Elle en avait parcouru. Certaines avaient depuis bien longtemps disparu. En général, l'Homme y était pour quelque chose. Et puis elle en avait vu se créer.

Elle revenait d'une Node qu'elle avait presque vu naître. Montségur était un point important en France. Si Bérénice était presque sure qu'il ne menait à aucun monde, elle savait d'instinct qu'il était le lieu idéal pour trouver des secrets. Les Templiers étaient doués pour cacher les choses.

On pourrait voir des Ley Lines se modifier, de nouvelles nodes apparaître et certains mondes semblaient même avoir disparus. Être « spécialiste » de ces mystères était un exploit. Jamais à elle seule elle ne pourrait tout savoir. Même au bout d'une éternité maudite.

Bérénice ouvrit machinalement son ordinateur et ouvrit un dossier. Après avoir entré son mot de passe, elle fit une recherche sur « templiers ».

elle regarda le dernier ficher en date. Elle modifia le nom.

« face sud – porte C – Couloir - erreur ». Encore une fois elle avait fait fausse route. Pas de trésor, pas d'indice, rien.
Agacée, elle referma son ordinateur. D'ici peu elle ferait une conférence sur les édifices construits par les templiers. Dommage. Elle aurait aimé faire sensation en dévoilant que les Templiers cachaient des trésors à Montségur. Mais les Cathares et les Templiers semblaient être morts en emportant leurs secrets.

Alors ? Tu vas leur dire quoi ?

La voix de Noah la fit sursauter.

Pardon ?
À la conférence... dans deux semaines.
Et bien... rien... je ferais mon baratin habituel sur les vilains hérétiques que furent les Templiers et surtout les raisons politiques de leur extermination. La routine quoi.
Et donc... pas de réponse, pas de trésor.
Comme toujours. Heureusement que je ne suis pas payé à la commission.
Mais toi ? Les investisseurs que Constance...

Elle leva une main agacée.

Je sais... ils vont râler. Mais ce n'est pas une science exacte et ils doivent le comprendre. Je fais de mon mieux.
Tu vas continuer sur le thème ?
Je pensais aller farfouiller à Cluny pour me changer les idées. Où alors filer à Londres.

Elle passa une main glacée sur son front. Ces derniers temps sa santé n'était pas reluisante. Elle évita de tousser devant lui. Il irait raconter ça à Constance. Comment lui faire comprendre qu'aucun médecin ne pouvait l'aider de toute façon ? Son coeur battait mais comment expliquer qu'il avait plus de 2200 ans ? C'était absurde.

Passant une main dans ses cheveux, fatiguée et perclue de courbatures, Bérénice voulait s'assoupir. Mais ces derniers temps, comme à chaque fois qu'elle fouillait un lieu chargé d'Anima, elle avait des cauchemars affreux. Toujours tournés vers son passé.

J'ai besoin d'un café.

Avant d'avoir fait le moindre geste, Noah avait disparu lui en chercher un. Celui là... il était rapide comme un diable. Elle regarda à nouveau par la fenêtre. Ses yeux se perdirent dans la verdure de la Beauce. D'ici une heure elle serait à Paris.
Elle soupira. Elle n'avait aucune envie de rentrer. Alexis serait là... celui là...
elle esquissa une grimace. Malgré son âge avancé, elle avait du mal à suivre le fil de ses pensées. Il la toisa, la détestait mais quand il s'agissait des Ley Lines elle aurait pu lui demander la lune qu'il la lui aurait ramené. Il cachait son jeu.

Tiens... ta mauvaise mine va inquiéter Constance.

Elle faillit lui demander si ça toucherait Alexis ou pas mais se retint à temps.

À l'arrivée j'aimerais passer au cimetière.

Elle refusait de le regarder. Il la jugerait. Comme les autres.

Bien sur.

Elle avala une gorgée de café.

Tu as une idée en tête ?

Elle fit un saut de carpe. Autour d'elle les quais de la gare Montparnasse grouillaient de monde.

On est déjà arrivés ?
Et oui...

ça devenait une habitude ça... se perdre en pensée dans les Ley Lines et en ressortir au bout de ce qu'elle croyait être une fraction de seconde et qui en fait était une nuit parfois. Elle haussa les épaules presque indifférente.

Pas grave... j'ai l'éternité devant moi.

Elle avait dit ça d'une voix aigre. Comme toujours.

Je ne comprends pas pourquoi tu te plains.

C'était bien la première fois que Noah lui faisait une remarque. Elle le regardait, surprise, alors qu'il s'occupait de leurs bagages.

L'éternité, c'est long. Surtout quand on est seul.
Tu as des amis.

Elle s'autorisa un sourire triste.

Sans doute. Mais tout le monde à droit à une âme soeur. La mienne... c'est un Sphinx. Tu parles d'une aubaine.