Les Ruines de Nan Madol

Ce dédale d'îles artificielles reliées par des canaux a reçu le surnom de "la Venise du Pacifique".
Aujourd'hui, les bâtiments sont en ruine, mais leur architecture particulière faite de blocs et de cristaux de basalte alternés a créé une structure capable de stabiliser un node très important. En effet, il permet de voyager dans toute l'Océanie, l'Asie du Sud Est et même, en passant par l'île de Pâques, jusqu'en Amérique du Sud.
Il n'est pas rare de voir, à la nuit tombée, un zodiac entrer dans les canaux pour aller chercher un Marcheur qui arrive de mission, ou bien pour emmener quelques apprentis à un entraînement.

6. ( avant au débarcadère)

Alors qu’il se redressait, Salsa réalisa que lui non plus ne devait pas être habitué à boire un peu plus que de raison, et tandis qu’il s’éloignait pour se jeter dans la mer, elle se leva à son tour en chassant le sable de ses jambes, et de ses cheveux. Ils se seraient retrouvés ainsi dans un autre endroit, nul doute qu’ils auraient terminé ce qu’ils avaient si bien commencé. Elle observa un instant l’homme qui nageait non loin de là et sourit, en voilà un qui avait aussi eu besoin de se rafraîchir. Salsa fut tentée pendant un instant d’aller le rejoindre, mais elle réalisa aussitôt que son idée ne ferait rien pour arranger la situation.

Au lieu de quoi, elle partit en quête de ses affaires qu’elle avait déposé dans un coin, mais au lieu de revêtir la robe avec laquelle elle était arrivée, elle glissa cette dernière dans le sac qu’elle avait emmené, et s’habilla dans une tenue plus adaptée à une sortie sportive; tee shirt blanc, short jeans ma foi assez court, un pull noué sur sa taille, et une bonne paire de baskets. Elle compléta le tout en nouant sa chevelure en queue de cheval. Voilà à présent ils pouvaient se mettre en route.

Justement elle entendit Nathan qui l’appelait, et se dirigea vers lui et son ami qui se tournèrent vers elle.

- Tu craignais d’avoir perdu ton élève? Non rassure toi, je n’ai fait qu’aller me changer et suivre les conseils de mon professeur en enfilant une tenue plus adéquate.. J’espère que cela te convient?
- oh oui tout à fait!

Nathan donna un coup de coude à Allois, ce qui accentua le sourire amusé de la jeune femme.

- oui, euh très bien. Bon alors on peut y aller?
- hmm pour ma part, je suis prête mais toi? Tu ne vas pas enfiler quelque chose?

Elle le regarda des pieds à la tête, d’une manière très appréciatrice qui n’échappa pas à Nathan.

- J’ai ce qu’il me faut dans le bateau..
- bon alors je vous emmène?
- c’est parti..

La jeune femme les suivit jusque jusqu’au bord de l’eau après avoir salué les amis d’Allois qui restaient là. Cette fois, elle refusa l’aide de Nathan et retira ses chaussures avant de se glisser jusqu’à la coque du bateau . Puis elle se hissa souplement à bord, sans que cela ne lui demanda trop d’effort. Les deux hommes en firent de même et chacun s’installa dans l’embarcation. Peu après le moteur vrombit dans la nuit. Allois mit le cap au large avant de virer au sud.

**Pink Floyd: Sorrow **

Le bateau, rapide, bondissait sur les vagues, longeant les côtes de l’île dont-ils devinaient les contours sous la lune. Le bruit du moteur empêchait toute conversation normale et pendant ce premier laps de temps, le trajet se fit en silence. Nathan s’était déjà changé, profitant que Salsa avait son attention portée à l’avant du bateau. Grisée par la vitesse, elle profitait pleinement de l’instant, offrant son visage aux embruns, et ne se tourna vers Nathan que quand le bateau ralentit soudain avant de virer à tribord. Elle lui adressa alors un sourire avant de regarder de nouveau face à elle.

Ils se rapprochaient doucement de l’ìle et Salsa se demandait s’ils allaient faire le reste du chemin à pied, quand la lune fit scintiller un vaste ruban d’eau juste devant eux, coupant net, la jungle épaisse. Mais en fait de jungle, alors que le bateau empruntait cet étrange canal, Salsa constata qu’il s’agissait surtout d’arbres impressionnants, dont les racines nues venaient directement puiser leurs ressources dans l’eau.. Ils formaient un paysage des plus surprenants, alors éclairés seulement par l’astre d’argent, dont les rayons n’atteignaient pas les pieds des arbres. Partout autour d’eux, ces bras et ces mains griffues se plongeaient dans les eaux sombres, si noirs et presque humains tant leurs formes tordues et torturées rappelaient des silhouettes humaines.

Allois avait encore ralenti et à présent le moteur du bateau vrombissait tout doucement, alors qu’autour d’eux, la jungle était plus animée que jamais. Des cris d’oiseaux, hululements, animaux dérangés dans leur sommeil ou en quête d’une future proie faisaient un concert des plus inquiétants. Tous les sens de Salsa étaient en alerte, concentrée sur chacun des bruits qu’elle entendait ou mouvements qu’elle percevait au-delà des ombres des arbres de la vaste mandragore. Des grincements de branche qui ployaient sous le poids d’un visiteur mystérieux, jusqu’aux feuillages agités par le passage d’un de ces autres inquiétants habitants de cet endroit, tout éveillait chez Salsa un sentiment mêlé d’inquiétude et de fascination. Complètement immobile, elle était tel l’animal aux aguets, attendant que sa proie se manifesta, si concentrée que quand Nathan posa une main sur son épaule, Salsa sursauta et se retourna vivement, sur la défensive.

- Oh euh je suis désolé, je ne voulais pas t’effrayer

Salsa fronça les sourcils.

- tu ne m’as pas effrayée , juste surprise.
- nerveuse?
- non… attentive, c’est tout.

Il eut alors ce sourire moqueur qui laissait nettement deviner qu’il ne la croyait pas, ce qui contraria un peu plus Salsa. Voilà qu’il allait la prendre pour une froussarde.

- bah je comprends que cet endroit de nuit, ne soit guère rassurant.
- hmm…
- connais-tu la légende de Nan Matol?

Salsa oublia l’observation du paysage pour se tourner vers Nathan qui lui souriait largement.

- Non professeur, mais je suppose que je vais avoir le droit à ma première leçon? Je pense qu’être venu ici en plein cœur de la nuit ne visait pas juste à effrayer une pauvre touriste blonde et marcheuse de rêve débutante?

Le ton était légèrement narquois, mais ce n’était qu’une réaction défensive de la part de Salsa qui détestait qu’on la traita comme une.. une quoi? Une blonde sans cervelle, une pauvre femme qui ne pouvait pas se retrouver au milieu de la jungle dans hurler de frayeur au premier cri d’une chouette? La jeune femme avait déjà fait ses preuves dans un milieu pourtant très macho, et ne tenait pas à devoir recommencer face à ce.. à ce.. mais pourquoi il lui souriait comme ça?

Wow… L’agent spécial Denfer avait l’air sur les dents… On aurait dit qu’elle était en mission au Cambodge pour aller récupérer un espion infiltré dans les lignes du Viet Cong. Les nerfs tendus, l’oreille aux aguets…
Evidemment, l’endroit était impressionnant. Un dédale de canaux au milieu de la jungle sur lesquels la barque glissait avec lenteur, le moteur au ralenti. De temps en temps, quelque chose de non identifié plongeait dans l’eau, des animaux échangeaient des cris stridents, puis plus rien.
Au bout d’un moment, ils virent se profiler devant le bateau une masse encore plus noire que la nuit qui découpait sur le fond d’étoiles un lambeau d’obscurité.

Tandis qu’Allois s’approchait doucement pour accoster sans s’emberlificoter dans les algues, Nathan s’appuya sur le bord du bateau.

Je me souviens la première fois que je suis venu ici. J’avais trouvé ça très impressionnant. Et très excitant aussi.

Nathan sauta à terre et attendit que Salsa le rejoignît.
Il fit un signe amical à Allois qui ramenait la barque à Ponapé.

Tu vois, cette ville a été construite par un peuple dont l’histoire ignore presque tout.
Regarde : on dirait que ce sont des troncs d’arbre, mais en fait ces bâtiments ont été faits avec d’immenses cristaux de basalte. Certains pèsent plus de 50 tonnes. Difficile de croire que de simples paysans aient pu réussir à le faire. Pourtant, l’histoire officielle s’en contente. Elle explique que cette ville servait de base de pouvoir à un roi appelé le Saudeleur, et elle passe à autre chose...

Nathan montait doucement les marches usées et partiellement recouvertes de plantes.
Il caressait du bout de doigt les mégalithes cristallins dont il sentait le pouvoir fuser sous ses doigts comme de petites étincelles invisibles.

L’histoire que racontent les Marcheurs est bien différente…
Un jour, vers 350 ou 400, deux Marcheurs de Rêve du nom de Olisihpa et Olosohpa vinrent ici. Leur mission était de stabiliser le node naturel que constituait cette île. Ils usèrent donc de leur pouvoir de télékinésie pour aider les paysans qui les aidèrent dans cette tâche. Et c’est ainsi que fut créée Nan Matol.
C’est exactement la même technique qui a été utilisée de l’autre côté du Pacifique, sur l’île de Pâques. C’est normal, puisque ces deux endroits sont deux des extrémités dans le monde des Rêves du Monde Oublié de Mu.
Mais je t’en reparlerai quand je t’expliquerai ce que c’est qu’un Monde Oublié.
Pour ce soir, il faut juste que tu retiennes que ces mégalithes, comme tous les mégalithes, ont la propriété de stabiliser une Ley Line. Je ne sais pas si les Amis de la confrérie qui sont des savants savent exactement pourquoi. Moi, en tout cas, je ne le sais pas.
Mais la plupart des nodes sont stabilisés par des mégalithes : Stonehenge, les Pyramides, Teotihuacan…

Arrivé sur le bord de la place centrale, Nathan s’arrêta.

Pour en revenir à Nan Madol, l’histoire ne finit pas très bien.
Les deux Marcheurs se disputèrent, l’un voulant garder le contrôle de l’île, soi-disant pour garder le node ouvert, l’autre estimant que leur mission était finie.
Au cours de la dispute, Olosohpa tua Olisihpa. Plus tard, il devint Roi sous le titre de Saudeleur.
Depuis, certains Marcheurs affirment avoir vu l’ombre du fantôme de Olisihpa autour du node. Certains affirment même qu’Olisihpa ne fut pas tué au cours d’une dispute, mais qu’il accepta de sacrifier sa vie pour ancrer définitivement le node et en devenir le gardien éternel, tandis que son ami en devenait le gardien temporel.

Nathan regarda Salsa, mi amusé mi sérieux :

Si on le voit, on lui demandera…

Son histoire finie, Nathan avança jusqu’au centre de la place et fit signe à Salsa de le suivre.

Bon, nous y voilà.
Première leçon.
Ça va ?

Salsa regarda Nathan d’un air un peu étonné. Sans doute s’attendait-elle à quelque chose d’un peu plus spectaculaire. Bah… ça viendrait.

Bon, la première chose à faire, c’est de percevoir l’Anima, l’énergie magique.
Il va donc falloir que tu bloques tous tes autres sens hyper développés. Que tu te concentres sur les choses étranges, inhabituelles.
Je m’explique : il y a un monde parallèle au nôtre qui s’appelle le Temps de Rêves. Enfin, c’est les aborigènes qui l’appellent comme ça, mais on a gardé leur nom.
Toi et moi, comme tous les marcheurs, on a la faculté de s’y projeter. Une fois là-bas, on perçoit l’Anima. Le problème, pour toi, c’est que je ne sais pas comment tu vas ressentir ça. La plupart des gens voient un dôme de lumière bleue sur la place dont partent des couloirs de lumière. Mais d’autres entendent des sons, d’autres ressentent une chaleur… Je ne sais pas ce que ce sera pour toi.
Alors, voilà. Tu vas te concentrer sur moi, et rien que sur moi. Tu fermes ton esprit à tout ce qui autre chose. Ensuite, je me projetterai dans le Temps du Rêve, et je reviendrai. J’espère que ça sera suffisant pour faire un lien.

Nathan eut un geste d’excuse pour son élève.

C’est la première fois que j’ai un apprenti, alors j’improvise… Le Vieux ne m’a pas donné de manuel d’instruction…

Nathan plongea son regard dans les yeux noirs et pleins d’étoiles de son élève.
Ils eurent un peu de mal à garder leur sérieux, seuls à la nuit tombée au milieu de la jungle, assis ainsi au milieu de ruines envahies de végétation.
L’américain voyait son élève se concentrer, ne plus faire attention qu’à lui. Il se demandait si elle entendait les battements de son cœur. Oui, sûrement…

Quand il estima qu’elle devait être prête, il se concentra et fit apparaître autour de lui le dôme de lumière familier.
Les ruines prirent une allure fantomatique, puis elles laissèrent la place à un palais fait de blocs de basalte, un palais intact qui n’était pas le palais du monde réel mais la projection de son existence dans le Temps du Rêve.
Nathan rendit un hommage silencieux aux deux Marcheurs qui avaient construit cette merveille. Il contempla un instant le jeu de lumières bleutées sur les plafonds de basalte noir, comme une lumière qui aurait été mise au fond d’une piscine pour éclairer une pièce sombre.

Mais, rapidement, Nathan se rappela que sa jeune élève devait l’avoir vu disparaître et avait dû être surprise.
Il redescendit.

Face à lui se trouvait une Salsa assez sidérée.

Sans lui laisser le temps de poser une question, Nathan lui prit les mains.

Allez, on y va tous les deux maintenant.
Essaie de ressentir ce qui se passe.

L’américain ferma les yeux et se concentra autant qu’il le pouvait. Il allait devoir aider quelqu’un à passer, mais juste assez, pour qu’elle ait aussi un peu d’effort à faire. Pas facile…

Un instant plus tard, ils se retrouvaient à l’intérieur du globe de lumière bleue chatoyante qui projetait des reflets changeants sur les murs cyclopéens de basalte noir.
Il se tourna vers Salsa qui restait bouche bée.

Alors ?

7. Enigma: Beyond the Invisible

Salsa prêta une oreille attentive à cet étrange conte que lui racontait Nathan. Cet homme portait bien cette appellation de marcheur de rêve, il semblait effectivement être un doux rêveur, mais cela n’était pas pour déplaire à Salsa, elle qui avait oublié de croire à ces légendes, elle devenue tellement terre à terre.

Elle se garda d’intervenir alors qu’il lui parlait de rencontrer ces fameux gardiens éternels et temporels, il faudrait qu’elle songe à lui demander quelle était la différence entre les deux, et le suivit au centre de la place, s’attendant à entendre d’autres histoires du même acabit, sur de vieilles légendes oubliées. Après tout, peut-être était-ce le propre des marcheurs de rêve, croire en des légendes si anciennes que personne ne se les racontait plus. Dans ce cas, elle comprenait que son grand père ait pu faire partie de cette confrérie.

Seulement ce n’était pas du tout une leçon théorique qu’il lui donna mais une leçon pratique. Surprise par ses étranges requêtes, elle s’efforça tout de même de pratiquer ce qu’il lui avait demandé, ayant toutefois un certain mal à ne pas laisser ses pensées dévier vers une attirance physique qui demeurait malgré tout.. L’exercice ne fut pas simple, Salsa s’efforça de chasser ces idées qui la déconcentraient et ferma les yeux. Mais le doute l’assaillit, elle n’avait jamais pratiqué de tels exercices auparavant et rouvrit les yeux pour protester, seulement à ce moment, Nathan avait disparu. Salsa était seule, en plein cœur de ces ruines antiques.

S’était-il moqué d’elle? S’était-il joué de ses pouvoirs en lui demandant de se fermer à eux? Tout ça pour s’esquiver en douce? Elle n’avait rien entendu, rien senti, et cette sensation était terriblement destabilisante. Salsa appela:

- Nathan?

Et tout à coup, il se retrouva juste devant elle, si brusquement qu’elle sentit son cœur manquer quelques coups. Trop stupéfaite pour réagir, elle qui avait les réflexes les plus surprenant qui soient, resta statufiée par la réapparition de Nathan. Et lui comme si de rien était, l’invita à le suivre, oui mais où ? Seulement il ne lui laissa guère le temps de protester et lui prit les mains. Quand elle le vit fermer les yeux à son tour, alors pour la première fois depuis son arrivée sur l’île, elle eut peur, peur de ce qu’il allait lui réserver, surtout après ce qu’elle venait de voir…Pour la première fois depuis longtemps, Salsa qui n’avait jamais reculé devant rien, eut envie de fuir, alors elle se raccrocha à la seule chose de tangible dans cet étrange endroit, la présence solide de Nathan, refusant de le voir disparaître à nouveau.

Son regard se concentra sur lui, lui faisant froncer les sourcils tant elle y mettait de l’énergie et c’est alors qu’elle la vit, derrière Nathan et même toute autour d’eux, cette même lueur bleutée qu’elle avait vu sur la pyramide du soleil, mais cette lumière était ici plus vive, les encerclant tous les deux comme dans un carcan de puissante énergie. et partout autour, des lignes de lumière partaient dans plusieurs directions, des lignes qui du blanc éblouissant viraient peu à peu au bleu le plus pur à leurs lisières. Des rubans de lumière qui semblaient s’étirer à l’infini, et qui tous partaient de cette sphère à travers laquelle, Salsa apercevait encore les impressionnantes structures des ruines de Nan Madol..

- Alors ?

Imperceptiblement, Salsa s’était rapprochée de Nathan, cherchant ainsi à se rassurer, au milieu de cette situation qui pour un esprit logique comme le sien aurait parue inconcevable, si elle ne l’avait pas vu de ses propres yeux, des yeux agrandis de saisissement. Elle fit un pas de plus, venant poser ses mains sur le devant de la chemise de Nathan, son regard allant un peu partout autour d’eux.

- mais c’est quoi ça ???

Son regard revint sur lui.

- Où étais-tu parti tout à l’heure? Et, et pourquoi tu .. tu es apparu comme sortant de nulle part et…d’où sort toute cette lumière?? Je l’ai vue sur la pyramide du soleil..mais j’ai cru que j’avais rêvé…

Soudain Salsa se demanda s’ils ne lui avaient pas fait prendre de matières illicites pendant la petite fête sur la plage. Dans ce cas, elle était en train de faire un sacré trip.

La surprise avait ramené Salsa dans les bras de Nathan, et l’américain ne voyait rien à y redire… C’était plutôt agréable, il fallait bien le dire….
Seulement, il ne voulait pas que Salsa ait peur. Il voulait que, pour elle, cette expérience soit positive.

Où j’étais tout à l’heure ? Mais… ici. Là où nous sommes actuellement… Dans le temps des Rêves.
Nous avons disparu de la surface de notre monde habituel comme moi j’avais disparu tout à l’heure.

La sol de la place était le même que celui sur laquelle ils étaient il y a quelques secondes, mais sans les altérations du temps, sans la végétation, sans même de défaut ni d’aspérité, comme si cette place là avait été la vision de l’architecte, et la place du monde réel, ce qu’il avait pu réaliser.
Au-dessus d’eux, une voûte s’étendait, qui n’avait jamais existée dans le monde réel.
Sur cette voûte et sur les murs, Nathan voyait la lumière de l’Anima danser comme une lumière qui se reflète sur la surface d’un plan d’eau, parcourue de courants et de changements de nuances.

Nathan s’assit en tailleur par terre et invita son élève à le rejoindre.
Pas encore très rassurée, malgré le sourire de son professeur, Salsa s’assit tout contre lui.

Eh bien voilà. On y est. C’est un endroit un peu comme celui-ci que gardait ton grand père.
Tu vois, ces couloirs qui partent, là, ce sont ces fameuses rivières d’énergie dont je t’ai parlé. On les appelle les Ley Lines, et l’énergie l’Anima. Et ici, on est dans un croisement de ces lignes, ça s’appelle un node.
C’est une espèce d’échangeur entre les Ley Lines, on peut y changer de direction…

Nathan regardait la jeune femme, qui semblait recouvrer peu à peu ses esprits, prise entre frayeur et émerveillement.

Tu vois, les Ley Lines changent tout le temps de place à la surface de la Terre. Sauf quand il y a des structures pour les stabiliser. Nan Madol c’est une de ces structures. Teotihuacan, c’est une autre de ces structures.
Ton grand père en était le gardien. Il devait en assurer la sécurité et la pérennité.

Nathan plongea son regard dans les yeux de nuit de la jeune femme.

Et il paraît que tu dois lui succéder, ma jolie…

C’est vrai qu’elle était drôlement jolie… Même dans sa tenue de voyageuse… Nathan se demandait comment il se faisait qu’elle ne soit pas encore fiancée ou mariée.
Peut-être l’était-elle après tout ? Ce n’était pas parce qu’elle avait voulu se détendre un peu sur une plage paradisiaque qu’il n’y avait pas un gentil mari qui l’attendait chez elle avec un tablier, faisant la vaisselle et s’occupant des gosses…

Aïe… l’échange de regards commençait à durer… Nathan commençait à se dire qu’un petit baiser, là, tout de suite, ne serait pas pour lui déplaire…
Mais il ne fallait pas.
Il se releva et, assez théâtralement, tendit les mains en direction des départs de Ley Lines.

Ah oui, ce que je t’ai pas dit c’est qu’on peut se déplacer dans ces Ley Lines. C’est d’ailleurs pour ça qu’on nous appelle les Marcheurs de Rêve.

Tu vois, par là, Hawaï à six heures de marche. Par ici, Sydey, six heures de marche aussi. Par là, Tokyo, cinq heures de marche.

Ca te dit d’aller faire une ballade, ou bien on attend que tu sois plus reposée ?

8. Mike Oldfield : Let there be light ^^

Sans plus prononcer un mot, Salsa s’installa sur le sol, ses genoux relevés sous son menton, écoutant la voix chaude et captivante de Nathan alors que ses yeux ne cessaient d’observer autour d’elle ce nouveau monde qu’elle découvrait. Un monde fait de lumière et de magie, de légende et de mystère, un monde qui avait été celui de Colli et qu’elle avait ignoré jusque là. Ainsi ces rubans de lumière étaient les passages vers d’autres lieux, des ponts vers des sites qui chacun avaient un gardien, et son grand-père avait été l’un d’eux. A présent, il lui avait remis le flambeaux et c’était à elle que revenait le devoir de protéger Teotihuacan. Encore fallait-il qu’elle apprenne comment.

Pour l’instant, elle avait assez de ce monde de lumière à découvrir, cette lumière qui irradiait partout autour d’eux, sur les colonnes de ce temple qui n’avait plus l’air en ruine du tout. Son regard revint à Nathan qui la dévisageait en souriant. Elle avait tant de questions mais en même temps elle voulait juste profiter de ces instants irréels, comme un cadeau précieux que Nathan venait de lui faire. Elle se sentit soudain émue, incompréhensiblement bouleversée par cette découverte, par tout ce qu’il lui révélait, ce monde que Colli avait connu. Elle comprit que ce qu’elle venait de découvrir, changerait à jamais son avenir et la façon qu’elle avait de voir le monde.

Nathan se redressa soudain et brisa le silence qui les avait enveloppé un instant.

- Ah oui, ce que je t’ai pas dit c’est qu’on peut se déplacer dans ces Ley Lines. C’est d’ailleurs pour ça qu’on nous appelle les Marcheurs de Rêve. Tu vois, par là, Hawaï à six heures de marche. Par ici, Sydey, six heures de marche aussi. Par là, Tokyo, cinq heures de marche.
Ca te dit d’aller faire une ballade, ou bien on attend que tu sois plus reposée ?

Salsa ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit. Il lui tendait la main dans une invite à le suivre sur ces ponts de lumière. Elle avait l’impression de rêver, c’était si étrange et pourtant tout à fait réel, comme le contact de sa main autour de la sienne. Salsa se redressa et réussit enfin à articuler.

- oui! Je ne pourrai jamais dormir après avoir vu ça!

Elle lui rendit alors son sourire, ses yeux brillant de cet éclat si particulier..

- alors une préférence?
- euh.. je ne sais pas trop..
- non?
- je te fais confiance, à toi de me guider..

Elle ne lui avait pas lâché la main, et après un dernier regard, elle lui emboîta le pas, alors qu’il choisissait l’un des chemins de lumière. Salsa ralentit alors qu’elle posait le pied sur cette étrange surface qui ne paraissait pas solide, c’était juste de la lumière. Pourtant son pied rencontra une résistance et Salsa continua prudemment de poser un pied après l’autre, comme si elle avait marché sur des œufs.

- ne crains rien, c’est du solide! tu ne risques pas de tomber, enfin il faut juste éviter de s’arrêter une fois qu’on s’est mis en route.
- ah ? on ne peut pas s’arrêter?
- non parce que dès qu’on s’arrête, on reprend pied alors dans le monde que tu connais.
- oh..
- au fait, j’espère que tu n’as pas le vertige?
- euh non pourquoi?
- regarde

Salsa le suivi à la lisière de ce sentier de lumière et s’accrocha soudain à deux mains à celle de Nathan.

- wow mais c’est haut!
- oui assez…

Ils marchaient à présent d’un pas plus régulier, Salsa toujours en retrait par rapport à Nathan et toujours accrochée à sa main comme si de le lâchait, elle risquait de tomber. Enfin qui sait? Peu à peu, elle prit un peu plus d’assurance. Elle avait en fait la même impression que de marcher sur un chemin de terre battue. Oui, si elle avait fermé les yeux, c’est ainsi qu’elle décrirait cette sensation à chaque pas qu’elle faisait, chaque pas avaient à peu près cette même résonance, ce même contact moins rigide que sur du béton.. Autour d’elle, Salsa ne discernait rien du paysage ou du ciel, à travers cette lumière bleutée qui irradiait comme à l’intérieur d’un tunnel, mais peut-être était-ce parce qu’il faisait nuit.

- Et tu as dit cinq heures de marche pour aller jusqu’à Tokyo? Mais comment est-ce possible? Rien qu’en avion, ça doit bien prendre euh..j’en sais rien mais un peu plus longtemps que cinq heures et à pied!


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